4 nov. 2023
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Comment enseigner de bonnes valeurs dès la maternelle ? (2/2)

Comment enseigner de bonnes valeurs dès la maternelle ?  (2/2)

L’éducation est le ciment de la société. (Image : Gerd Altmann / Pixabay)

Constat et regard d’une enseignante

Pourquoi et comment enseigner de bonnes valeurs dès la maternelle ? Ce sont deux questions que pourrait se poser tout enseignant qui se voit confier de jeunes vies. Cette responsabilité incombe à tout un chacun. Inclure la démarche du discours Socratique dès le plus jeune âge, et ce quel que soit le texte lu, ainsi que la lecture de plusieurs versions d’un même conte pourraient être en partie une réponse pour la sensibilisation de nos futurs citoyens.

Redécouvrir les notions du bien ou du mal : enseigner de bonnes valeurs dès la maternelle

Il est alors possible de demander aux enfants : « Est-ce bien ou mal de faire la fête avec sa mère après avoir tué quelqu’un ? Qu’aurait-il dû faire dans cette situation ? Qu’aurait dû faire sa mère ? Comment Jacques aurait-il pu réparer ses erreurs, agir ? Quelles auraient pu être les autres solutions ? ».

En résumé, si l’enseignant n’est pas actif intellectuellement dans sa démarche pédagogique en amont, s’il n’a pas le projet de rendre plus vertueux ses élèves pour l’avenir de la nouvelle société et bien il va semer sans s’en rendre compte de très mauvaises valeurs dans la tête des enfants comme en lisant Jacques et le haricot magique :

  • C’est bien de voler pour être heureux.
  • Ce n’est pas grave de tuer quelqu’un de méchant.
  • Ce n’est pas grave de voler un riche.
  • Pas la peine de travailler etc.

Pourquoi redécouvrir les notions de bien et de mal en maternelle me direz-vous, quel intérêt ? Cela paraît évident désormais.

Voici une petite anecdote qui parle d’elle-même et qui s’est déroulée dans une classe de maternelle. Il y a quelques années, une petite fille, d’une très grande intelligence, avait fait une très grosse bêtise. Peu importe la bêtise, ce n’est pas ce qui est important ici, c’est la réponse qu’elle a donné lors de l’échange avec son enseignante qui pourrait surprendre.

Pour la confronter à son acte, l’enseignante lui a demandé : « C’est bien ou c’est mal ce que tu viens de faire ? » et là, l’enfant lui a répondu en haussant les épaules, le plus sincèrement du monde et le plus calmement du monde en regardant l’enseignante droit dans les yeux : « Je ne sais pas …On ne m’apprend pas. » Et là, l’enseignante a su qu’il était important d’inculquer de bonnes valeurs à ses petits élèves qui étaient perdus face à certaines situations, tout simplement parce que les adultes ne leur expliquaient plus ce qu’est le bien ou le mal et que par conséquent ils n’avaient plus de boussole pour les guider dans les choix de leurs actes dans la vie de tous les jours.

L’enseignant pourrait dès la maternelle choisir quelques mots-clefs simples, de belles valeurs universelles, riches de sens pour tous qu’il écrirait soit sur chacun des pétales d’une fleur géante ou sur une affiche visible de toute la classe. Ainsi, l’enseignant pourrait s’y référer lors d’échanges avec les enfants sur différents sujets abordés dans la classe.

Une fleur à cinq pétales comportant des mots tels que : « Vérité, Bienveillance, Patience, Tolérance, Bonté », serait une bonne base.

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Voler aux riches est-ce normal ? Jacques et le haricot magique Magnard Jeunesse Petits contes classiques. (Image : Capture d’écran / magnard.fr)

Dans cette autre version, « la mère travaillait dur », nous le savons dès les premières pages, la paresse semble moins présente dans cette version. Jacques aidait d’ailleurs sa mère du mieux qu’il pouvait. Dans cette version, nous ne savons pas si la femme qui l’accueille est celle de l’ogre ou une simple servante apeurée.

Mais une phrase est à relever : « Il se disait que le géant possédait tellement de richesses que ce sac ne lui manquerait guère. » Finalement, l’enseignant pourrait demander aux enfants : « Est-ce donc bien ou pas de voler un riche ? Pourquoi selon vous ? Pourquoi ce ne serait pas considéré comme du vol ? Sait-on comment il a obtenu sa richesse dans l’histoire ?

Comment l’a-t-il obtenue à votre avis ? Si vous aviez, vous par exemple, travaillé dur pour être riche et que l’on vous vole ? Qu’en penseriez-vous ?»

Ainsi, à aucun moment l’enseignant n’émet de jugement sur les réponses des élèves mais en réfléchissant tous ensemble, en les mettant en situation, l’enseignant permet à chaque élève de développer son esprit critique et de trouver par lui-même la réponse la plus juste à son niveau.

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L’enfant exige. L’enfant veut. Voler des gens laids et répugnants est-ce normal ? Jacques et le haricot magique du Père Castor. (Image : Capture d’écran / librairie-gallimard.com)

Dans cette version, Jacques ment, il dit : « Je me suis perdu. Donnez-moi à manger, j’ai très faim. » Aucune règle de politesse ne l’effleure, ni bonjour, ni s’il vous plaît, ni merci. Il exige de façon impérative, comme un enfant « Roi ». Demandons alors aux enfants : « Est-ce normal pour un enfant ? Comment demande-t-on lorsque l’on est poli ? Et vous ? Vous feriez cela en arrivant chez des personnes inconnues qui vous accueillent gentiment chez eux ? »

Dans cette version, l’ogre et sa vieille femme sont laids. Le lecteur non avisé excuserait presque Jacques de les voler. Mais l’enseignant doit rester vigilant : « Est-ce bien ou mal ? Est-ce un parti-pris de l’illustrateur de nous les présenter ainsi, moins sympathiques rendant l’acte de vol, du coup, moins répréhensible et par voie de conséquence rendre l’acte de voler moins " laid " quant à lui ? »

Dans cette version, la mère de Jacques a encore un fond de bon semble-t-il, aussi souhaite-t-elle se racheter de ses actes répréhensibles car elle offre l’hospitalité aux indigents… L’enseignant peut questionner les enfants en ce sens : « Est-ce que pour autant que cela efface le fait qu’elle et son fils restent des voleurs qui profitent de leur larcin ? Quelque part ne rendent-ils pas complices indirectement de leurs actes les indigents qu’ils invitent à manger chez eux ? Est-ce bien ? Est-ce correct ? Est-ce une façon de se faire pardonner ? Pourquoi ? Et par qui ? Qu’en pensez-vous ? »

De plus, la mère tombe malade. Elle souffre d’un mal inconnu. Peut-être paie-t-elle ses mauvaises actions (de vol et de recel) ?

Pourtant, elle est chanceuse : la musique émanant de la harpe la guérit.

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Qui ne dit mot consent ? conte anglais Jacques et le haricot magique Grasset monsieur Chat. (Image : Capture d’écran / mediathequedepartementale.cg)

Dans cette version, Jacques loue le travail et le dit clairement avec ces mots : « Ne t’en fais pas maman. Je vais partir et je trouverai du travail. » Sa mère lui répond : « (…) nous allons vendre Blanchelait puis monter un commerce d’épicerie ».

Dans cette version, Jacques semble plus respectueux et poli. « -Bonjour Madame », lui dit Jacques. « Seriez-vous assez gentille pour me donner quelque chose à manger ? (…) S’il vous plaît », insiste Jacques.

Ici, lorsque Jacques montre les pièces d’or à sa mère, elle ne dit strictement rien. Alors, l’enseignant pourrait questionner à ce sujet les enfants : « Mais est-ce pour autant qu’elle est d’accord ou pas ? Qu’en pensez-vous ? » Un dicton dit : Qui ne dit mot consent. « Êtes-vous d’accord avec cela ? Pourquoi ? Qu’aurait-elle dû dire ou faire clairement ? »

Ici relevons ce passage dans le texte, l’ogre dit : « -Hé, femme, qu’as-tu fais de ma poule aux œufs d’or ? - Quoi ? Fit-elle. Jacques n’entendit rien de plus… et il s’enfuit. »

Jacques ne s’inquiète aucunement, après son vol, du sort réservé à la femme de l’ogre, des conséquences de son acte sur les autres, il ne pense qu’à lui et ses intérêts personnels : il n’a aucune empathie pour elle, alors qu’elle lui a donné à manger, et l’a protégé. Si l’enseignant arrête sa lecture ici, il pourrait éventuellement demander aux enfants : « A votre avis que pensez-vous qu’il va arriver à l’ogresse dans cette version ? Qu’aurait dû faire Jacques ? Pourquoi ? Qu’en pensez-vous ? ».

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Le héros tire-t-il une leçon de ses actes ? Mini conte Jack et le haricot magique Hachette livre. (Image : Laurence Lefebvre / Vision Times)

Il est dit clairement dans cette version que Jack est paresseux, étourdi, il ne s’occupe pas du tout du jardin alors que sa mère est malade et bientôt ils n’ont plus rien à manger. Il rencontre un colporteur mais à aucun moment il ne lui dit que les haricots sont magiques. Jack semble attiré par leur couleur et leur brillance, par ce qui brille… L’enseignant pourrait alors interroger les enfants : « Pourquoi ? Avait-il pensé au jardin de sa mère à ce moment-là ? Pensez-vous qu’il souhaitait les planter pour se nourrir ou pas ? Pourquoi ? Que souhaitait-il faire alors avec ces belles graines ? »

Lorsqu’il est dit clairement en parlant de la femme de l’ogre : « (…)tremblant sa femme qui savait qu’elle aurait de sérieux ennuis si Jack était trouvé à l’intérieur du château ».

L’enseignant pourrait poursuivre avec les enfants à ce sujet : « Est-ce que Jack pense une seule seconde aux conséquences de ses actes sur ceux qui l’aident et le protègent ? Pourquoi agit-il ainsi ? Auriez-vous fait comme lui ? Pourquoi ? »

Dans cette version ce passage interpelle le lecteur : « Mais bientôt Jacques eut à nouveau envie de vivre des aventures et il décida de visiter à nouveau le château (…) Sa mère essaya bien de l’en dissuader, mais le lendemain, habillé d’un déguisement et la peau enduite de jus d’oignon, il escalada le haricot ».

Alors, l’enseignant peut demander aux enfants : « Jack obéit-il à sa mère ? Qu’aurait-elle du faire pour vraiment l’en empêcher ? Pourquoi ? Jack prémédite-t-il son coup, comment ? Qu’est-ce que la préméditation ? Choisit-il délibérément de faire une bonne chose ? A-t-il une bonne ou une mauvaise intention dès le départ ? Comment le sait le lecteur ? ».

Un autre passage à souligner également : « De plus, j’ai commis l’erreur de laisser entrer un garçon comme toi il y a quelques mois et cet ingrat s’est enfui avec la poule de mon mari. Depuis, il est de très mauvaise humeur et je ne veux pas m’attirer sa colère. Mais Jack ne céda pas ».

L’enseignant pourrait questionner les enfants ainsi : « Jack s’inquiète-t-il de ce qui pourrait arriver à la femme de l’ogre ? Pourquoi ? Est-ce bien ou mal ? Pourquoi ? Qu’est-ce que l’ingratitude ? Pourquoi l’ogresse dit-elle cela ? Dans cette version, sa mère semble honnête, mais arrive-t-elle à se faire respecter par son enfant ? Qu’est ce qui est le plus important pour elle ? Pourquoi ? Pourquoi n’arrive-t-elle pas à se faire obéir de son enfant ? Qu’aurait-elle dû faire ? Que feriez-vous à sa place ? Et vous y a-t-il des situations où vous avez été ingrats ? Comment pourriez-vous arranger les choses ? ».

Opérer des allers-retours entre le sens profond de l’histoire et la vie propre et réelle du monde quotidien de l’enfant, est fondamental, car cela l’apprendra également à réfléchir consciemment sur lui-même et ses propres actes et par conséquent le guidera vers l’amélioration de lui-même.

« Sa mère fut très heureuse de le retrouver et lui dit qu’elle préférait vivre dans la pauvreté le restant de ses jours plutôt que de risquer de perdre son cher fils à nouveau. »

Malgré les gémissements de sa mère, Jack ne lui obéit pas et repart une nouvelle fois là-haut.

Finalement, à la fin de cette histoire Jack tire une leçon de toute cela : celle de ne plus être jamais paresseux ! Car à la fin sa mère et lui ont eu si peur de mourir que cela leur a remis les idées en place.

C’est bien la seule version où il est possible de constater une remise en question du héros qui tire une vraie leçon de morale de ses actes et de ses conséquences. Il est important pour l’enseignant, il est de sa responsabilité de montrer aux enfants que tout cela aurait pu être plus lourd de conséquence encore. L’enseignant pourrait questionner ainsi : « A-t-il mis sa mère, sa propre famille en danger ? Pourquoi ? Et est- ce que cela en valait vraiment la peine ? Que se serait-il passé si l’ogre avait réussi à descendre sur terre vivant ? ».

En échangeant les uns avec les autres, les enfants constatent que chaque acte a des conséquences, d’ailleurs chacun s’enrichit des expériences des autres car souvent les enfants aiment relater des événements ou situations qu’ils ont eux-mêmes vécus et les drames qu’ils ont pu éviter par chance. Ainsi, l’enseignant peut-il leur apprendre à tirer des leçons de leurs erreurs plutôt que de les juger ou les blâmer et de leur demander comment ils feront si cela se reproduisait à nouveau.

Si l’enseignant évalue le rapport à cette question avec des valeurs telles que l’authenticité, la compassion et la patience des questions peuvent être formulées ainsi : « Qui est bienveillant finalement dans cette histoire ? Qui est malveillant ? Pourquoi ? Qu’auraient dû faire les personnages après chaque épreuve de la vie ? Plus de vache ? Que faire ? Plus d’argent que fait-on ? Pourquoi ? N’y a-t-il que les apparences qui comptent dans ce monde ? Être riche, laid ou méchant sont-ils des excuses pour autoriser à voler ? Un enfant doit obéir à ses parents mais jusqu’à quelles limites ? Pourquoi ? Est-ce bien ou mal de voler ? Est-ce bien ou mal de tuer ? Qu’aurait-il fallu faire ? ».

Finalement, de nombreuses questions d’ordre moral émergent ici, et c’est ce qui manque le plus à l’heure actuelle dans l’éducation dès la maternelle. Notre société va mal parce qu’il n’y a plus de vraies valeurs pour guider les actes de chacun et les adultes ne communiquent plus profondément avec les enfants, n’échangent plus sur les histoires, sur leur sens caché profond. Il fut un temps où à la fin des fables ou des contes, il y avait une petite leçon de morale. Celle-ci était loin d’être inutile et innocente, elle permettait au moins au lecteur d’y réfléchir.

L’éducation étant la base de la société, il semble crucial de la remettre au cœur de toutes les réflexions des adultes entourant les enfants de près : enseignant, parent, animateur, assistante maternelle, grands-parents, famille, mais aussi… Finalement, l’éducation n’incombe-t-elle pas à l’ensemble des adultes qui constituent la société ? C’est une lourde responsabilité dont chacun devrait prendre conscience dans chacun de ses actes et de ses mots.

L’essentiel bien sûr, n’est surtout pas de mettre les enfants sous cloche, de les protéger du monde, mais bel et bien de les amener à s’armer face à celui-ci, à affronter sa complexité, sa multiplicité. Chaque adulte est donc responsable de les amener à exercer leur libre arbitre, de choisir après avoir réfléchi sur ce que le monde leur propose…De les amener à penser par eux-mêmes, et non comme certains souhaiteraient qu’ils pensent.

Ainsi, l’éducation retrouvera toutes ses lettres de noblesse et restera à jamais « l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde » comme nous le signifiait déjà Nelson Mandela.

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Citation de Nelson Mandela. (Image : Capture d’écran / citation-photo.fr)

Le fait également, de choisir divers textes complexes, diverses versions d’un même conte avec un vocabulaire de plus en plus riche, varié et différent, enrichit naturellement le cerveau des enfants qui auront dès lors les mots les plus fins et les plus précis pour s’exprimer et non plus leurs poings. La violence disparaîtra peut-être alors définitivement de notre société ?

Il apparaît donc urgent de nourrir les enfants avec de belles valeurs universelles, dès leur plus jeune âge, et ce quel que soit leur milieu socio-culturel, ainsi, il y aura toujours de l’espoir pour le futur.

Comme le disait Victor Hugo dans son poème Écrit après la visite d’un bagne, « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne. (…) Tout homme ouvrant un livre y trouve une aile, et peut planer là-haut où l’âme en liberté se meut ».

Auteur : Laurence Lefebvre
Source : https://www.visiontimes.fr/tendance/societe/comment-enseigner-bonnes-valeurs-maternelle